Forum d’El Moudjahid 08 juin 2014

«Nous ne sommes ni une association de donneurs d’organes ni de personnes dans le besoin d’une greffe. Nos actions consistent à sensibiliser les citoyens quant à l’importance du don d’organes, mais aussi à plaider auprès des pouvoirs publics pour renforcer le cadre juridique des procédures législatives et administratives afférentes à ce grand acte de solidarité.»

Ce sont, en substance, les propos du docteur Hafida Chaïmi, membre de l’Association nationale Biloba pour sensibilisation au don d’organes de tissus et de cellules, invité, hier, du Forum d’El Moudjahid.

Dans deux jours, le 12 juin, l’association Biloba soufflera sa deuxième bougie. Si deux ans semblent courts dans la vie d’une association, ce n’est pas le cas pour Biloba, la seule en Algérie à militer pour le don d’organes, de tissus et de cellules. Un travail gigantesque a été accompli par ses membres de différentes disciplines. Des portes ouvertes, des journées d’étude, dans plusieurs wilayas, des rencontre avec les étudiants, des sondages, un site riche en informations, témoignages, et apportant des réponses précises aux questions que chacun pose sur le don d’organes, que d’aucuns présentent comme une grande solidarité humaine.

La première question qui vient à l’esprit est pourquoi les promoteurs d’une telle initiative ont-ils choisi de baptiser l’association au nom de Biloba ? Abderrazak Zebboudj, vice- président de l’association et chargé de communication, explique que le Ginkgo Biloba est un arbre ayant résisté à l’explosion de la bombe nucléaire à Hiroshima. Il est aussi, dit-il, le premier arbre à avoir repoussé dans la zone touchée. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le ginkgo radio résistant est le symbole même de la résistance et de la longévité. Autre question, pourquoi des médecins, des hommes de culte, avec des partenaires nationaux, ont-ils choisi d’investir dans la sensibilisation et la promotion en informant et en développant un autre concept de solidarité au sein de la société ? Pour M. Zebboudj, tout est parti d’un constat assez amer. Il s’agit d’un faible taux d’information sur le don d’organes, sur les procédures législatives et administratives y afférentes, l’absence d’associations militant dans le domaine du don d’organes, un faible taux d’information des concepts «donneur vivant» versus «donneur en état de mort encéphalique», l’absence d’une position claire des leaders religieux algériens concernant ces concepts, une méfiance du grand public à l’égard des opérations du don d’organes, du trafic d’organes, et surtout l’absence d’informations sur l’état des lieux de la transplantation qui est pratiquée de manière sporadique et peu structurée. Autre interrogation : les Algériens sont-ils réceptifs aux appels de l’association ? M. Zebboudj en est très convaincu. À travers les différentes opérations menées par l’association, et notamment le questionnaire conçu dans le but d’établir un état des lieux des connaissances sur le don d’organes, de tissus et de cellules, au sein de la population, il s’est avéré, selon M. Zebboudj, que 85% de ceux qui ont participé à ce sondage sont favorables au don d’organes, dont 50% sont potentiellement des donneurs d’organes. Cependant, en Algérie, si sur le plan religieux, la fetwa existe et que les hommes de culte participent à sensibilisation des citoyens sur ce geste considéré comme une «sadaqa» (aumône), la problématique réside dans le fait qu’actuellement, sur le plan juridique, il n’y a pas de personne indiquée, dans l’entourage familial de la personne décédée, pour autoriser le prélèvement d’organes. Quant à ceux qui disposent d’une carte de donneur d’organes, le document n’a pas de valeur juridique. C’est pourquoi les membres de l’association Biloba appellent les pouvoirs publics à mettre en place, un dispositif juridique en mesure d’encadrer le donneur. Mais le plus grand combat pour l’association est d’informer les citoyens, car le manque d’informations en termes d’éthique et de droit représente l’obstacle et le problème le plus important.

Nora Chergui

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Abderrezak Zebboudj, vice-président de l’association nationale Biloba :

« Nous sommes prêts à soumettre des propositions »

«Nous allons, incessamment, demander notre participation aux Assises nationales de la santé, prévues le 17 juin. Notre objectif premier est de plaider la cause des malades qui ont besoin de greffes.

Le message à faire passer, en cette occasion, c’est que nous, et par notre travail sur le terrain, sommes prêts à collaborer pour soumettre des propositions. En effet, nous considérons qu’il est souhaitable d’apporter quelques précisions à la loi qui existe déjà dans ce sens, et nous estimons qu’il y a, quelque part, un vide juridique. Pour revenir à ces propositions, nous considérons qu’il serait souhaitable de préciser, par exemple, qui peut donner un organe à qui, et, également, dans quel cadre devrait se faire ce don-là. Aussi, et après la mort de la personne qui promet le don, il est important de souligner quel est le type de consentement que nous voulons entreprendre.»

Soraya G.

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Cheikh Kessoul Djelloul, Imam à la mosquée El-Qods de Hydra :

« Le don d’organes est permis, mais avec des conditions »

«La vie humaine est précieuse en islam, et tous les moyens pour la préservation de cette vie sont vivement recommandés. Donner à boire est une bonne action, faire la charité en est une autre, mais sauver la vie de quelqu’un, c’est encore mieux ; d’autant plus que Dieu accorde une large rétribution à l’auteur de cette bonne action, ici-bas et dans l’au-delà. « Quiconque sauve la vie d’un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l’humanité toute entière », souligne le Coran (sourate El Maïda, verset 5).

Le don d’organes est permis en islam. Et ce que je viens de dire ne relève pas d’un effort personnel (ijtihad) d’un simple imam, mais il s’agit d’une fetwa en bonne et due forme, émanant du Comité des grands savants musulmans spécialisé en fiqh.

Cependant, cet accord, cette permission est conditionnée. Il faudrait, en fait, que cet organe puisse assurer pleinement ses fonctions, qu’il soit compatible avec le bénéficiaire et qu’il puisse ainsi préserver sa santé, voire lui sauver la vie. Cela dit, il faut que ce don soit un acte volontaire et non commercial.

Pour conclure, je dirai qu’il faudrait persévérer dans cette opération de sensibilisation sur toute l’importance du don d’organes, une question qui reste encore à faire admettre, à faire accepter aux gens. Et ma présence, ici, en tant qu’imam, à cette rencontre, constitue une preuve de notre parfaite adhésion à cette idée du don d’organes. Aussi, je pense qu’il est aujourd’hui nécessaire de parler de cette idée autour de soi, de la vulgariser via les médias, pour qu’un jour, peut-être, les gens seront de plus en plus nombreux à se porter volontaires pour un don d’organes, dès lors qu’il s’agit de porter assistance à une personne malade, à une personne qui souffre.»

Soraya G.

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À propos de la greffe

En Algérie, en 1985, la loi 85-05 relative à la protection et à la promotion de la santé définit la gratuité du don, l’anonymat du donneur et du receveur, et le consentement des deux parties.

Cette loi a permis la première greffe à donneur vivant apparenté en 1986 à Alger, et c’est en 2002 qu’ a eu lieu la première greffe à donneur en état de mort encéphalique suite à l’arrêté du 19 novembre 2002 qui a fixé les critères scientifiques permettant la constatation médicale et légale du décès en vue du prélèvement d’organes et de tissus.

De1986 à 2012, il y a eu 933 greffes rénales. L’incidence de l’insuffisance rénale chronique est de 3.500 nouveaux cas par an. Ces greffes ne représentent que 3% des greffés à donneur vivant apparenté et 1% à donneur en état de mort encéphalique.

 

Au Centre Pierre-et-Marie-Curie d’Alger :

– la greffe hépatique a débuté en 2003, et 34 greffes hépatiques ont été réalisées ;

– la greffe de mœlle osseuse a débuté en 1998, et 1.966 allogreffes ont été réalisées.

En 1963, la première greffe de cornée sur cadavre a été faite en Algérie. L’activité a été ensuite interrompue en 1990 pour être reprise en 2001 avec des cornées importées, totalisant 6.029 greffes.

 

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